Claude-Pierre Pérez
Université de Provence - Aix Marseille I
Ce n’est pas toujours en bien qu’on parle de l’agrégation, ni des « journées d’agrégation » qui se sont multipliées depuis quelques années dans le sillage de ce concours. Ces jugements négatifs peuvent quelquefois se trouver fondés. Il me semble pourtant que l’espèce de délectation morose que procurent les exercices d’auto-flagellation conduit à manquer ou à sous-estimer ce que les rites académiques comportent parfois d’utile et de positif.
Les programmes du concours sont d’abord une incitation à lire ou relire des œuvres. Cette invitation s’adresse soit à des étudiants qui pour la plupart vont devenir professeurs dans l’enseignement secondaire ; soit à des professeurs déjà en poste. Elle s’adresse donc à des personnes qui ne sont pas seulement des lecteurs (ou plutôt, c’est le cas de loin le plus fréquent désormais, des lectrices) mais qui sont aussi des prescripteurs de lectures. Ce sont des personnes susceptibles de faire lire les textes qu’elles ont lus. Pour ce qui est de Saint-John Perse, que l’on dit victime d’une certaine désaffection et dont les lecteurs (et lectrices) se détourneraient, cette incitation est plus que bienvenue.
Mais ce n’est pas tout. Le travail de préparation du concours, et les journées d’agrégation qui l’accompagnent, conduisent à lire ou à relire non seulement les œuvres, mais les commentaires qu’elles ont suscités. Il suppose que les candidats, et les universitaires qui assurent cours et travaux pratiques, acquièrent une vue à peu près complète (aussi complète que possible) du paysage critique concernant sinon l’auteur, du moins l’œuvre étudiée : qu’ils en apprécient les acquis, mais aussi le cas échéant les manques ou les incertitudes; qu’ils mesurent la tache qui reste à accomplir.
C’est dire que, contrairement à ce qu’on entend souvent, ce travail n’est nullement coupé de « la recherche ». On le vérifiera ci-après : sur les six communications dont on lira le texte (deux autres doivent être prononcées, que les délais de fabrication n’ont pas permis d’inclure dans ce volume) l’une, celle de Jean-Louis Cluse, tire sa matière d’une thèse soutenue quelques semaines avant la journée d’Aix ; l’autre, celle de Carla van den Bergh, nous livre des analyses et des informations destinées à nourrir une thèse qui sera prochainement soutenue. Quant à Michèle Aquien ou Éveline Caduc, il n’est pas nécessaire de les présenter aux familiers de Perse et aux lecteurs de Souffles qui connaissent leurs travaux.
Il n’y a pas lieu d’attendre d’une journée telle que celle-ci qu’elle s’organise autour d’une thématique ou d’une problématique particulière. Son but est plutôt d’effectuer des reconnaissances dans des régions diverses. À cet égard il est commode de distinguer dans l’ensemble réuni ici des travaux d’orientation plutôt stylistique. C’est le cas de l’article de Philippe Jousset (qui étudie l’absence des déterminants du nom, examinant leurs effets et interrogeant leurs raisons) ; de Carla van den Bergh (qui revient sur la difficile question du verset, et se trouve amenée de ce fait à examiner les rapports du « système persien » avec « l’ancien système des vers » c'est-à-dire avec toute la tradition poétique française) ; et pour partie au moins de Jean-Louis Cluse qui propose une réflexion sur une autre question particulièrement délicate, qui est celle des « voix textuelles », question qui touche à la fois à celle de l’identité du locuteur, et à celle du statut de la parole : on retiendra sa conclusion à propos d’un « texte narcisse […] amoureux de lui-même ».
Éveline Caduc a choisi pour cette fois une approche plutôt thématique. Michèle Aquien propose une réflexion synthétique sur Chant pour un équinoxe, œuvre ultime dans laquelle le poète déploie ses « dernières ruses ».
Quant au signataire de ces lignes, il a tenté de préciser le sens et la portée de ce mot d’absolu que Perse a parfois employé pour qualifier et définir son entreprise poétique.
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À défaut d’une « dédicace au Prince », qui n’est plus dans l’air du temps, « l’Avant-dire, et le Propos du Préfacier » peuvent fournir l’occasion de remercier celles et ceux qui ont permis l’organisation de cette journée et l’édition de ces actes. C’est donc très volontiers que je remercie Joëlle Gleize, Directrice du Centre ORLAC de l’Université de Provence, et Béatrice Coignet, Directrice de la Fondation Saint-John Perse, qui ont l’une et l’autre accueilli favorablement le projet que j’ai proposé au mois de mai dernier. Merci encore à l’Association des Amis de la Fondation, et à sa présidente Renée Ventresque, qui ont accepté d’accueillir les actes dans Souffle de Perse et de les mettre en ligne sur le site de la Fondation dès le soir du 16 février.
Merci enfin et surtout à Claude Thiébaut, Secrétaire de l’Association, qui a assuré avec l’efficacité rapide et discrète des « animateurs insoupçonnés de la jeunesse » la plus grosse partie du travail (ingrat) de relecture et de mise en page.