Éditorial
Chers Amis de la Fondation,
Le dernier numéro de Souffle de Perse, le n° 19, a paru en 2020, nous sommes en 2022 et voici comme prévu le n° 20. La revue en effet est bisannuelle. Pour ceux qui hésiteraient sur le sens de l’adjectif, les dictionnaires en donnent tous la même définition, illustrée chez plusieurs du même exemple : « une fête bisannuelle est une fête qui se déroule, par exemple, les années paires ».
Souffle de Perse est exactement dans ce cas, et trois fois plutôt qu’une : la revue paraît tous les deux ans, et justement les années paires, et sa sortie est une fête pour tous ceux qui y ont contribué, pour ses lecteurs aussi espère-t-on. Elle est bisannuelle comme certaines fleurs de nos jardins, campanule, monnaie-du-pape et rose-trémière qui, comme la revue, apparaissent à la fin du printemps, aussi discrètement que la Fête de la musique, à la même époque, est exubérante.
Cette nouvelle livraison de Souffle de Perse va d’abord placer ses lecteurs au plus près du texte du poète, va faire dialoguer tout ou partie de son œuvre avec celles d’Emerson, de Seshendra Sharma, de Francis Ponge et Marcel Proust, elle va nous montrer Dag Hammarskjöld saisi par le désir de mettre Chronique à portée des membres de l’Académie Nobel, nous entendrons les confidences faites par le poète, à peine arrivé à Stockholm pour la remise de son prix, à un groupe d’écrivains et critiques suédois. Le lecteur va apercevoir, au côté du poète et de son épouse, un de ses premiers admirateurs américains, le Professeur Arthur Knodel. Quant au diplomate qu’il fut avant 1940, le lecteur découvrira que sa vie n’a pas été un fleuve tranquille.
Fleurs et herbes, bonnes ou mauvaises, poussent à leur heure et de même Souffle de Perse, comme si la pandémie, qui avait empêché que les Persiens ne se réunissent en 2020, n’était plus une menace. Comme si la guerre n’était pas à nos portes. Comme si, parce qu’ainsi va la vie, les accidents, la maladie, la mort ne concernaient que les autres.
Saint-John Perse a publiquement affirmé qu’au poète, « rien du drame de son temps ne lui est étranger » et tout aussitôt que « sa leçon est d’optimisme ». Le monde aujourd’hui n’y incite pourtant pas. Optimiste lui-même Saint-John Perse ? Pourquoi faut-il que me revienne soudain la réponse de Candide à Cacambo ; « Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. – Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal ». Et est-il sûr qu’Hugo ait vraiment réussi à se convaincre qu’« il faut que l’herbe pousse et que les enfants meurent » ?
Quoi qu’il en soit, revoici Souffle de Perse, à sa date, comme si de rien n’était. Ou presque. Je vous en souhaite bonne lecture.
Claude Thiébaut
Président de l’Association des Amis de la Fondation Saint-John Perse
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