Hommages

Les 28 mars et 4 avril, coup sur coup, sont décédés les professeurs Antoine Raybaud et Raymond Jean.
Ils étaient membres de la Fondation depuis sa création en 1975.
Nous ne les oublions pas. 


 

Hommage de Pierre Oster à Antoine Raybaud

Antoine

Pierre Oster, 24 mai 2012

          D’abord un visage sans ombre, une façon tout ensemble impérieuse et rieuse de manifester sa présence morale et physique, sa liberté aussi bien ; puis ce je ne sais quoi de supérieurement impersonnel qui désigne certains êtres à notre capacité d’admiration… Visage découvert à l’occasion d’une rencontre aux Vigneaux, devant la maison d’un auteur majeur qui par-delà la mort nous rapprochait. L’enchantement créé par la séduction de la dame d’Amers agissait sur nous deux. Le visiteur en même temps m’en imposa. Peut-être me fut-il donné de ne pas lui paraître indifférent.

          Suivirent de rares mais émouvantes et timides conversations. À Aix, à Marseille, à Paris, dans un étroit bureau du Seuil. L’amitié la plus forte se nourrissait en moi du sentiment d’une grandeur destinée à demeurer lointaine. Un prince, on l’accompagne. On ne songe en rien à faire jeu égal avec lui. L’homme qui m’avait été dépeint comme un professeur de vive éloquence n’était nullement enclin à parler de soi. Un jour, par hasard, je compris que cet universitaire parmi les meilleurs se métamorphosait parfois en enquêteur social, en témoin fragile de la puissante misère. Plus que sensible, donc, et plus que secret. Tel un oxymore en acte. Un jour, comme il avait cité avec émotion le nom de Rimbaud, je l’interrogeai. Un gros travail vraisemblablement dormait parmi d’innombrables papiers en déshérence. Il me fallut me contraindre à multiplier les manœuvres. L’échéance du centenaire était proche. Je m’échinai (c’était là un devoir d’état) à pousser vers son atelier un auteur rétif. À la fin du compte, je vis tomber sur ma table un manuscrit qui fut accepté en haut lieu. Je suis le père du titre. Celui-ci me fut soufflé un matin, dans l’entresol du poète, face au fameux Vieux Port. Antoine avait su dire oui.

          Des années plus tard, au début d’une promenade non loin d’Éguilles, comme je m’arrêtais au pied d’une restanque, il me posa la question la plus indiscrète. Il me demanda sans plus de détours si je m’intéressais à de telles constructions (elle font la gloire des paysans d’autrefois). Je tins un langage de vérité. À ce moment précis nous devînmes assez intimes. Un être infiniment porté à la discrétion décida alors de me montrer les Murs. Je dus batailler pour que l’ouvrage paraisse. La dédicace m’en est agréable. Nos liens se resserrèrent jusqu’à l’époque où le sort ne joua plus en ma faveur.

          Les bonnes cartes ne se trouvaient plus entre des mains certes maladroites. Notre héros, de son côté, avait connu dès l’abord à Genève un parfait succès d’audience. Mais il me faut reconnaître que je n’avais nullement mesuré l’élargissement de son champ de recherche. Or on voit s’affirmer dans les pages du Besoin littéraire un historien farouche de « l’amnésie coloniale », l’analyste hors pair d’une cécité sans borne : alors que les œuvres dites de la « francophonie » constituent de parfaits instruments de lecture du désastre qui obère notre destin et qu’il y a peut-être même une « nécrose » de la mémoire française (page 99). Prêtons donc l’oreille au fracas non pas silencieux montant des plaques tectoniques de l’entière humanité, là où un Glissant voulait voir surgir les bases du Tout-Monde…

(Édouard en ses dernières années avait choisi de protéger pareil compagnon d’aventure et de lui donner souvent la parole)

 

Autres hommages à Antoine Raybaud

Hommage à Antoine Raybaud, par Alain Paire, Poezibao, 4 avril 2012
Hommage à Antoine Raybaud, par Alain Paire, Paper Blog, 4 avril 2012
A Antoine Raybaud (1934-2012)Poésie, Belin, n° 141, textes de Pierre Oster, Jean-Claude Mathieu, Michel Deguy et Abdelwahab Meddeb

 Hommages  à Raymond Jean

Disparition de Raymond Jean, Alain Nicolas, L’Humanité, 5 avril 2012 
Décès de l’écrivain Raymond JeanLe Figaro, 8 avril 2012
La disparition discrète de Raymond JeanLe Journal d’un lecteur, 8 avril 2012
Raymond Jean, romancier du désir et de l’engagement, Raphaëlle Leyris, Le Monde, 10 avril 2012
Salut, Raymond Jean !, Dominique Resh, Huffington Post, 10 avril 2012
Raymond Jean, auteur de La lectrice, est mort, L’Express, 10 avril 2012
Décès de l’écrivain Raymond Jean, auteur de La LectriceLa Croix, 10 avril 2012 
Hommage de l’Institut de l’Image d’Aix-Marseille, 7 juin 2012

 

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