Rencontres

“Assembleurs de saisons aux plus hauts lieux d’intersection.”
Oiseaux, I

 

Esprit ouvert, Saint-John Perse noue des amitiés avec les écrivains, les musiciens et les peintres de son temps. Lycéen à Pau, il rencontre dès 1902 l’écrivain Francis Jammes qui le présente à Paul Claudel. L’un et l’autre constituent des modèles pour l’auteur d’Éloges. Étudiant en droit à Bordeaux, il correspond avec le groupe des écrivains de La Nouvelle Revue Française : André Gide, Jacques Rivière, Valery Larbaud, Léon-Paul Fargue et Paul Valéry.

Chez le collectionneur Gabriel Frizeau, il s’émeut devant les toiles de Gauguin, croise Odilon Redon, André Dunoyer de Segonzac et André Lhote, qui l’initie à « l’art nègre », au fauvisme et au cubisme. Lors d’un voyage en Angleterre en 1912, il rend visite à Joseph Conrad et Rabindranath Tagore.

À Paris, dans l’effervescence du début du siècle, le jeune poète assiste avec Claude Debussy à la première du Sacre du printemps. Il est familier du salon de la pianiste Misia Sert, amie de Diaghilev, le directeur des Ballets russes. Au service de la presse dirigé par Philippe Berthelot, il travaille aux côtés de Jean Giraudoux, Paul Morand et Jean Cocteau. Secrétaire d’ambassade à Pékin de 1916 à 1921, il croise Victor Segalen et fréquente des sinologues et tibétisants comme Paul Pelliot, Marcel Granet, Jacques Bacot.

En son absence, ses poèmes de jeunesse « Éloges » et « Images à Crusoé » sont mis en musique par Darius Milhaud et Louis Durey du Groupe des six. À son retour de Chine, il fait partie du cercle de la revue Commerce où les musiciens Erik Satie, Darius Milhaud, et Igor Stravinski côtoient les poètes Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud, T. S. Eliot, Archibald MacLeish et Rainer Maria Rilke. Il entretient alors une brève liaison avec Marie Laurencin. Cité par Guillaume Apollinaire et Marcel Proust, le poète est reconnu comme « surréaliste à distance » par André Breton dans le Manifeste de 1924. Il reçoit d’ailleurs les visites de René Crevel et de Roger Vitrac. Rainer Maria Rilke tente de traduire un fragment d’« Images à Crusoé » . Walter Benjamin, Giuseppe Ungaretti, puis T. S. Eliot se lancent dans la traduction d’Anabase.

Au cours de son exil américain, il se fait l’intime d’Edgar Varèse, d’Igor Stravinski et rencontre Pierre Boulez. Sa situation de diplomate en exil, sa renommée littéraire et les relations établies à Paris dans le milieu de la revue Commerce contribuent à rompre son isolement. Il se rapproche du directeur de la Bibliothèque du Congrès, le poète Archibald MacLeish, et de l’écrivain Katherine Biddle. Katherine et Francis Biddle – ministre de la justice de Roosevelt – sont aux États-Unis les amis et fidèles protecteurs du poète, à l’instar de la musicologue Mina Curtiss. Saint-John Perse poursuit aussi une abondante correspondance avec deux grandes figures de la poésie américaine du XXe siècle : T. S. Eliot et Allen Tate.

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Ses poèmes le placent enfin dans l’amitié d’Alain Bosquet, de Roger Caillois, de Pierre-Jean Jouve, de Jean Paulhan, de Jorge Luis Borges et d’Octavio Paz. En Provence, l’auteur d’Amers est attendu avec ferveur par René Char (photo ci-contre). Jean Ballard et ses collaborateurs des Cahiers du Sud l’accompagnent en Camargue et à Marseille.

On compte à ce jour une quarantaine d’adaptations musicales de son œuvre. De nombreux musiciens vont se laisser tenter par les accents de cette poésie polyphonique : Paul Bowles, Alan Hovhaness, Karl Birger Blomdahl, Wolfgang Fortner, Hermann Reutter, André Boucourechliev, Elliott Carter, Maurice Racol et plus récemment la compositrice finlandaise Kaija Saariaho. Entre la sèche illustration et la « consanguinité » exemplaire de la rencontre entre Braque et Saint-John Perse, les œuvres picturales et les livres d’artiste inventent le plus souvent un univers parallèle en s’attachant aux images, au langage, voire à l’écriture du poème. Dès les années trente, Louis Marcoussis et Giorgio de Chirico s’emparent ainsi d’Anabase. Ils sont suivis par Georges Braque, André Marchand, Zao Wou-Ki, Lucien Clergue, Antoni Clavé, Claude Garanjoud et bien d’autres. Parmi les écrivains contemporains, on notera tout particulièrement l’importance de Saint-John Perse pour les auteurs de la créolité tels que Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant et Édouard Glissant

    
Patrick Chamoiseau                        Raphaël Confiant                         Édouard Glissant

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