Accueil du Memorandum

     Le Memorandum est transmis à la presse le 17 mai en même temps qu’aux 26 autres États européens et au-delà, à toutes les capitales du monde. Jusqu’à la fin de l’année, il fait la une de la plupart des journaux français, lesquels signalent les réactions dans la presse étrangère, annoncent puis reproduisent, analysent et commentent les réponses des États.

    Aristide Briand, bien secondé par Alexis Leger, a toujours su agir sur la presse, il compte en effet sur l’opinion pour faire triompher ses idées, le Memorandum l’affirme sans ambages : “Il semble que le sentiment des peuples se soit déjà clairement manifesté. Aux Gouvernements d’assumer aujourd’hui leurs responsabilités”.

    Certaines réponses sont plus attendues que d’autres, spécialement celles de la Grande-Bretagne et surtout de l’Allemagne, les réactions américaines et russes aussi. La presse française de droite, du Figaro à L’Action française, est frontalement hostile (Briand endort le pays dans l’illusion d’une réconciliation avec l’Allemagne), mais globalement les réponses sont toutes positives quant au projet, et toutes plus ou moins réservées quant aux modalités. Parmi les hommes politiques de premier rang, seul Edouard Herriot soutient franchement l’initiative. Raymond Poincaré est plus hostile que jamais.

    Le premier État à répondre est l’Espagne, dès le 26 juin, le dernier la Suisse, le 4 août. Il n’est guère que la Hollande qui ne craigne pas un abandon relatif de souveraineté. Beaucoup craignent de faire double emploi avec la SDN et donc de lui nuire, on critique sa structure trop lourde, conteste l’idée de la priorité du politique sur l’économique, pose le problème des colonies et celui des États non membres de la SDN (Russie-Turquie).

    Le rapport présenté par Briand à ses homologues européens à Genève le 8 septembre 1930 propose une synthèse objective des réponses reçues et pointe les divergences. Tout y passe, la nécessité d’un pacte d’ordre général, l’interdépendance des problèmes politiques et économiques, la conception de la coopération politique européenne, les questions d’application. Le rapporteur parie sur la discussion entre hommes de bonne volonté pour lever les difficultés, mais celles-ci sont rappelées avec force en séance. La presse de droite parle déjà d’échec et d’un probable enterrement du projet. Seule décision : la création d’une commission sur le sujet. On sait ce qu’il en advient en général : après quelques réunions annuelles, la dernière en 1939, les tensions sont telles en Europe que le rêve européen de Briand et Leger ne fait plus l’actualité. Avec la crise économique (premiers effets en Europe en 1930), après les succès électoraux du parti nazi (1930), la mort de Briand (1932), l’accession au pouvoir d’Hitler (1933), la mort de Barthou (1934), l’échec de la conférence de Stresa (1935), le temps n’est plus aux grands accords internationaux comme au temps de Locarno, seulement aux alliances ponctuelles, non pour construire l’Europe mais pour sauver la paix, comme à Munich (1938). En vain.

    Il faudra attendre 1949 pour que plusieurs des propositions inscrites dans le Memorandum soient reprises par les Pères fondateurs de l’Europe de l’après-guerre, Jean Monnet et Robert Schuman, accompagnés de Paul-Henri Spaak, Alcide de Gasperi et Konrad Adenauer.

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