Notes sur mon voyage en Mongolie Orientale
Jean Augustin Bussière

Avec annotations complémentaires

Introduction

par Jean-Louis Bussière

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Déconfinement et aventures en Mongolie…

En mai 1920, Alexis Leger est en poste à la Légation de Pékin depuis plus de trois ans et supporte tant bien que mal les suites de la première guerre mondiale dans ce pays mal récompensé par les puissances alliées de son engagement à leur côté. Un an plus tôt il avait soutenu en vain la délégation chinoise qui a échoué à obtenir à Versailles des compensations honorables. Pire, tout le Shandong, qui était sous la botte allemande, est passé sous contrôle du frère ennemi japonais. Leger étouffe auprès d’Auguste Boppe, le nouveau Ministre de France qui a remplacé Conty.

Et s’échapper de Pékin est difficile.

Il va heureusement y être aidé par le médecin de la Légation, Jean Augustin Bussière, mon père. 

Arrivé en 1914 pour succéder à Victor Segalen dans ses diverses charges, tant auprès du fils de Yuan Shikai, l’empereur autoproclamé, qu’à l’Ecole de Médecine Navale de Tien Tsin, c’est un solide creusois passionné par son métier de chirurgien à l’hôpital Saint-Michel (qu’il a fait agrandir aux frais du gouverneur d’Extrême Orient pour y soigner… les Chinois) et qui s’est acquis une large notoriété dans tous les milieux. La peste, le choléra, Bussière avait déjà lutté contre ces fléaux dans ses périples en Afrique, en Inde, en Perse et en Cochinchine. En Inde il a travaillé sous l’autorité de Paul-Louis Simond, qui a identifié la puce du rat comme vecteur de la peste. Ensemble, ils sont allés à Saïgon où, à l’Institut Pasteur, ils ont rencontré Alexandre Yersin, qui a découvert sur des cadavres de Canton le bacille de la peste et a mis au point le premier vaccin. La grippe dite espagnole, la peste, il les a retrouvées en Chine. Avec Leger, il a isolé le quartier des légations, organisé les missions sanitaires qui gèrent le confinement des provinces au Nord de Pékin, fortement contaminées, contrôlé l’épidémie par la vaccination. Bussière, dans ses notes de voyage, passant par Nankéou, fera une allusion au rôle qui avait été le sien en 1918 (il y avait fait installer un lazaret). 

Pour s’évader sans trop s’éloigner, après le travail, Bussière a pris l’habitude de réunir chez lui, régulièrement, les personnalités les plus diverses.  Outre Alexis Leger, il reçoit son grand ami André d’Hormon, érudit et original sinologue, très investi dans l’enseignement et la formation des élites chinoises, un temps précepteur de Pu-Yi, le futur dernier empereur.Il fut conseiller étranger de la présidence chinoise et Leger lui a succédé dans cette fonction. Il y retrouve son ami le Président Gustave-Charles Toussaint, magistrat éminent et surtout spécialiste des cultures tibétaine et bouddhique. Quelques années plus tôt il avait fait à pied le voyage du Tibet à la Mongolie et a régalé la Société de géographie du récit de ses aventures. Se rencontre aussi chez lui Henri Picard-Destelan, « le plus chinois de tous », qui a farouchement défendu, les armes à la main, la Légation de France pendant la guerre des Boxers et qui maintenant trace les nouvelles voies de communications comme co-directeur des Postes. Il connaît bien la ligne télégraphique de Pélin à Ourga.

Les quatre amis ont suivi cette ligne de bout en bout. Ils se sont en effet octroyé une évasion de dix jours, brève certes mais intense.

Ironie de l’histoire, un siècle plus tard exactement, c’est encore un virus qui nous oblige à nous confiner comme les deux tiers de la planète.

Alors partons grâce à la Fondation Saint-John Perse et à sa directrice Muriel Calvet, qui ont proposé que cette édition augmentée des notes de voyage de  Jean Augustin Bussière prolonge l’exposition qu’elle avait organisée l’été dernier, mettons nos pas dans ceux de nos quatre aventuriers. Manifestement, dans le désert, ils ont eu plaisir à se retrouver hors des murs de Pékin, au-delà de la Grande Muraille, loin de leur base… Et accompagnons Alexis Léger vers des immensités géographiques et spirituelles et leurs « fumées de sable », parmi de « grands oiseaux de terre naviguant en Ouest ». Partons avec lui vers Anabase

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