ENS 2024 – Sélection bibliographique

Henriette Levillain, Université de Paris IV Sorbonne
et Esa Christine Hartmann, Université de Strasbourg

Concours d’admission à l’ENS 2024
Épreuve à option : Commentaire d’un texte littéraire français

Thème :
Le déracinement
Œuvres :
– Jean Racine, Bajazet, édition de Georges Forestier, Le Livre de Poche, « Théâtre », 1992.
– Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne, édition de Martine Reid, Gallimard, « Folio Classique », 2022.
– Saint-John Perse, Exil, dans Éloges (suivi de La Gloire des Rois, Anabase, Exil), Gallimard, NRF, « Poésie », 1967, p. 141-208.

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Le  thème commun aux trois œuvres étant le déracinement,  il sera important de ne pas le confondre avec l’exil,  notion  plus large et moins incarnée. Certains poètes, comme Baudelaire, ont vécu un exil intérieur  (la  figure de l’albatros) sans pour autant quitter  leur  pays, perdre  leur  terre  natale,  leur langue maternelle.

Alexis Leger (Saint-John Perse à partir d’Anabase, 1924) a vécu un premier exil, dans sa douzième année, le jour où son père décida de quitter la  Guadeloupe, pour des raisons économiques et politiques. Il installa toute sa famille dans le Béarn, à Pau. Tous les poèmes du recueil Éloges – lecture indispensable – chantent à la fois la perte et la présence charnelle de cet exil lumineux (« Images à Crusoé »). Or l’éloge des racines compte pour beaucoup parmi les raisons de louer. Trois occurrences dans « Pour fêter une Enfance » I : racines des arbres (les banyans), racines des aïeux (généalogie), racines vitales (nourriture des bêtes comme des hommes) : alors, de se nourrir comme nous de racines, les bêtes s’ennoblissaient.

Le deuxième exil, en juin 1940, de France aux États-Unis, est à la fois plus violent et plus complexe. Alexis Leger, diplomate et secrétaire général du Quai d’Orsay, l’a vécu comme une proscription humiliante. Il a été démissionné de sa haute fonction par Paul Reynaud, puis déchu de la nationalité française par le gouvernement de Vichy, radié de l’ordre de la Légion d’honneur et ses comptes bancaires ont été bloqués. Tout est donc à reconstruire sur le néant – À nulles rives dédiées, à nulles pages confiée la pure amorce de ce chant (« Exil » II).

Et, pourtant, il se retrouve habiter de l’autre côté de l’Atlantique, non loin de son île natale. Aussi les quatre poèmes sont-ils parcourus d’éclairs de réminiscences à la fois provocants et poignants. Que voulez-vous encore de moi, ô souffle originel ? (« Exil » III) Saint-John Perse ne retournera jamais physiquement à la Guadeloupe mais fera de sa poésie et du volume de la Pléiade un monument dédié au rêve d’un enracinement dans la terre et la vie de ses aïeux.

H. L.

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Sélection bibliographique autour d’Exil de Saint-John Perse.

Ouvrage Collectif

Dictionnaire Saint-John Perse, sous la direction d’Henriette Levillain et de Catherine Mayaux, Honoré Champion, 2019.
En particulier, dans le chapitre « Œuvres poétiques de l’Exil (1941-1957) », les entrées :
     – Exil (recueil), « Exil » et « Pluies » par Renée Ventresque,
     – « Neiges » par Catherine Mayaux,
     – « Poème à l’Étrangère » par Carol Rigolot.
On conseille vivement en outre, étant donné la teneur du recueil prescrit, de consulter ce qui concerne Éloges par Mireille Sacotte, dans le même ouvrage.

Ouvrages d’auteurs

Sur les notions en jeu

Le beau pays natal est à reconquérir, le beau pays du Roi qu’il n’a revu depuis l’enfance, et sa défense est dans mon chant.

(Amers, Invocation, 6, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, [1972] 1982, p. 268)

Gallagher, Mary, La Créolité de Saint-John Perse, Cahiers SJP, n° 14, Gallimard, 1998.
En particulier p. 31-37 « L’île natale, origine ou relais » et chap. V-VI-VII, p. 254-408 et 363-388.
Ouvrage indispensable. Il aborde avec compétence et nuances toutes les notions impliquées par le thème général du programme. En particulier, celles d’habitat originel, de matrice créole, d’enracinement et déracinement, d’exil et de perte, de recréation poétique.

Sacotte, Mireille, Éloges de Saint-John Perse, Foliothèque, Gallimard, 1999.
En particulier le chapitre II, « D’une enfance sur trois modes », p. 90-162.

Sur les poèmes : contexte et texte.

Levillain, Henriette, Saint-John Perse, Biographie, Fayard, 2013.
Piocher dans la table des matières ce qui concerne « Le premier exil » (Éloges : du retour au retournement, p. 133-140) et, surtout « Le second exil : États-Unis (1940-1957) », à savoir les années de la composition du recueil Exil, p. 295-345.

« Exil » dans Exil.

 Levillain, Henriette, « ‟Où élire demeure ? ” – La patrie du poète dans ‟Exil” », transcription d’un cours enregistré le 7 avril 2006.
Consultable sur le site de la Fondation Saint-John Perse.

 Raybaud, Antoine, « Exil palimpseste », Cahiers SJP, Gallimard, n° 5, 1982, p. 81-101.
Consultable sur le site de la Fondation Saint-John Perse.

Rigolot, Carol, Saint-John Perse, La culture en dialogues, chapitre V, « Exil », Dialogue avec la Géographie. L’Harmattan, 2007, p. 107-125.
Intéressante comparaison avec l’exilé de Guernesey en palimpseste du poème de Saint-John Perse.

Starobinski, Jean, « Le Jour dans Exil », étude parue en 1988 dans Marges et exils : l’Europe des littératures déplacées, Éditions Labor, repris en 2016 chez Gallimard dans le Quarto consacré à Jean Starobinski intitulé La Beauté du monde. La littérature et les arts, p. 650-658. Un des articles les plus originaux sur le poème.
Consultable sur le site de la Fondation Saint-John Perse..

« Neiges » dans Exil

 Hartmann, Esa Christine, « De l’exil des êtres à l’exil des mots », commentaire composé de « Neiges ».
Consultable sur le site de la Fondation Saint-John Perse.

 Levillain, Henriette, « ‟Neiges” de Saint-John Perse », Poétique de la neige, dans Iris, Centre de recherche sur l’imaginaire, Université Grenoble Alpes éditions, n° 20, 2000, p. 55-65.
Consultable sur le site de la Fondation Saint-John Perse.

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