Le contexte
Un contexte d’abord défavorable…
Après la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 (ci-contre) prétendait dessiner une Europe nouvelle mais celle-ci fut impossible à réaliser en raison des conditions que la France, notamment Poincaré, imposa à l’Allemagne vaincue, le paiement de réparations s’effectuant dans des conditions jugées humiliantes par les Allemands (d’où le renforcement du nationalisme allemand).
Tag von Versailles, Tag der Unehre ! (Jour de Versailles, Jour de deshonneur !)
L’occupation de la Ruhr décidée par le gouvernement Poincaré en janvier 1923 pour contraindre l’Allemagne à exécuter les clauses du traité de Versailles a déclenché une profonde crise.
La population allemande organise la résistance passive, l’économie s’effondre. Les Anglo-Américains se montrent très critiques vis-à-vis de l’intransigeance française.
A gauche, membres du NSDAP ((Parti national-socialiste des travailleurs allemands, 1921).
A droite, affiche allemande appelant à la résistance passive durant la crise de la Ruhr : Nein ! Mir zwingt Ihr nicht ! (Non ! Vous ne me soumettrez pas !).
… puis une évolution positive…
En juillet 1924, la France accepte le plan Dawes qui fixe le montant des réparations de guerre et en permet le paiement : les Etats-Unis prêtent à l’Allemagne les sommes qu’elle doit aux Alliés, au premier rang desquels la France, au titre des réparations, et la France peut rembourser sa dette aux Etats-Unis.
L’occupation militaire, source de tensions, n’ayant alors plus de sens, l’armée évacue progressivement la Ruhr (octobre 1924 à juillet 1925). Les Accords de Locarno, signés par Briand, Stresemann et Chamberlain (octobre 1925) permettent l’admission de l’Allemagne dans la Société des Nations l’année suivante. Le Traité de Paris (ou Pacte Briand-Kellogg), signé le signé le 27 août 1928) met la guerre hors-la loi. Le Prix Nobel de la Paix est décerné à Dawes et Chamberlain en 1925, à Briand et Stresemann en 1926, à Kellogg en 1929.
Le Pacte Briand-Kellogg venait d’entrer en vigueur, le 24 juillet 1929, quand Briand, à Genève, lance l’idée d’Europe fédérale, Leger pendant tout l’hiver met au point le Memorandum qui en jette les bases, il est soumis aux capitales européennes en mai 1930.
Nombre d’intellectuels sont acquis à l’idée d’union européenne, Paul Valéry notamment, qui lors d’une conférence donnée à l’université de Zurich en 1922, considère l’héritage culturel grec, le droit romain et l’unité chrétienne comme les trois piliers de l’Europe, le plus actif d’entre eux étant le comte Coudenhove-Kalergi, inlassable promoteur d’une Paneurope à partir de 1923, et encore après la guerre. Alexis Leger a correspondu avec Valéry comme avec Coudenhove-Kalergi.
Certains voient aussi dans une union européenne un moyen pour elle d’exister face aux géants américain et soviétique, tel le géographie Albert Demangeon, dont l’ouvrage, Le Déclin de l’Europe (1920), aura un grand succès. L’industriel luxembourgeois Emile Mayrish jouera un rôle déterminant dans les négociations qui vont mener à la signature de la convention de l’Entente internationale de l’Acier, le 30 septembre 1926 à Bruxelles, par les sidérurgistes français, allemands (y compris sarrois), belges et luxembourgeois, ancêtre de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)
Mayrish aussi réunit chez lui, à Colpach, nombre d’intellectuels français, allemands ou originaires d’autres pays européens, pour promouvoir l’idée d’une communauté de culture européenne. Parmi eux, Walter Rathenau, Karl Jaspers, Ernst Robert Curtius, mais aussi plusieurs amis et relations d’Alexis Leger dont André Gide, Jacques Rivière, Paul Claudel, Jean Schlumberger et bien sûr, Louise Weiss et Richard Coudenhove-Kalergi.
… suivie d’un échec
Mais l’évacuation de la Ruhr, pensée comme un geste de bonne volonté par la France, a été l’occasion d’un regain de nationalisme et de xénophobie en Allemagne, attisé par un jeune parti, le NSDAP (photo ci-contre, Munich, 1923).
Gustav Stresemann, l’homologue allemand de Briand en Allemagne, meurt le 3 octobre 1929, Emile Mayrisch l’année précédente, dans un accident de voiture.
Le krach boursier de New York (24-29 octobre 1929) marque le début d’une grande dépression et de la plus grande crise économique du XXe siècle. Il déstabilise notamment les politiques économiques allemandes, le plan Young (il avait remplacé le plan Dawes en juin 1929) entraîne le retrait brutal des capitaux américains d’Allemagne, ce qui permet dans une certaine mesure l’arrivée au pouvoir du NSDAP.
Les nationaux-socialistes obtiennent quelques succès aux élections régionales de 1929, mais aux élections générales de septembre 1930, ils obtiennent 6,4 millions de voix et remportent 107 sièges au Reichstag (Parlement allemand).
Ci-contre, Munich, 1933.
Fin 1930, la Société des Nations écoute le rapport de Briand sur le Memorandum, chacun s’exprime, approuve plus ou moins, émet des réserves, une commission est créée, elle se réunira 6 fois. Sans aboutir.
On ne reprendra l’idée qu’après la guerre mais sur des bases nouvelles, plus économiques que politiques.